Article 1722 du Code civil et COVID : la jurisprudence accélère le pas.
Le 25 mai 2021
La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 6 mai 2021, vient de rendre une décision importante en matière de baux commerciaux à l’épreuve de la COVID.
Elle redit d’abord ce que l’on sait déjà : la force majeure est inapplicable à « une obligation contractuelle de sommes d’argent » et le locataire ne peut donc s’exonérer de son obligation de payer son loyer pour ce motif.
Elle rappelle ensuite une solution qui semble de plus en plus acquise par les juridictions : « la délivrance du local par le bailleur n’étant pas contestée et l’impossibilité d’exploitation étant sans lien avec le local lui-même », l’exception d’inexécution ne figure pas non plus au rang des moyens de défense efficaces du locataire.
Si tout cela est presque devenu une musique entendue, l’intérêt de l’arrêt réside ailleurs puisqu’il écarte le jeu de l’article 1722 du code civil aux motifs qu’« il n’est pas contesté qu’en l’espèce le bien loué n’est détruit ni partiellement ni totalement ; il n’est pas davantage allégué qu’il souffrirait d’une non-conformité, l’impossibilité d’exploiter du fait de l’état d’urgence sanitaire s’expliquant par l’activité économique qui y est développée et non par les locaux, soit la chose louée en elle-même. L’impossibilité d’exploiter durant l’état d’urgence sanitaire est de plus limitée dans le temps, ce que ne prévoit pas l’article 1722 du code civil, lequel ne saurait être appliqué en l’espèce ».
Certes, d’autres décisions adoptent des décisions contraires, par exemple la cour d’appel de Paris dans deux arrêts rendus le 12 mai 2021 qui jugent que « la destruction de la chose louée peut s’entendre d’une perte matérielle de la chose louée mais également d’une perte juridique, notamment en raison d’une décision administrative et que la perte peut être totale ou partielle, la perte partielle pouvant s’entendre de toute circonstance diminuant sensiblement l’usage de la chose. En l’espèce, il est constant qu’en raison de l’interdiction de recevoir du public la société (preneuse) a subi une perte partielle de la chose louée puisqu’elle n’a pu ni jouir de la chose louée ni en user conformément à sa destination pendant les périodes de fermeture administrative, l’absence de toute faute du bailleur étant indifférente ».
Ce qui est en revanche remarquable dans l’arrêt de la cour d’appel de Versailles , c’est qu’il s’agit du premier arrêt rendu au fond sur le sujet, à l’inverse des autres décisions.
Reste qu’il y aura nécessité à ce que la cour de cassation tranche le débat et se positionne sur ce que l’on doit entendre par notion de « chose louée » délivrée par le bailleur : soit on envisage la chose comme objet (et dans cette hypothèse, la crise sanitaire ne l’affecte pas et rien ne justifie le non-paiement du loyer), soit on l’envisage comme finalité (et dans cette hypothèse, à l’inverse, le preneur ne pouvant plus exercer son activité, destination du bail, le locataire devrait pouvoir être dispensé de payer)…
A suivre.